ESG

Préservation de la biodiversité : la dette privée comme instrument de financement au service des entreprises qui souhaitent s’engager

Par Laurent Dubois, Managing Director – Private Credit, et Alix Faure, directrice ESG de Sienna Investment Managers

La classe d’actifs permet d’établir un dialogue concret, privilégié et constructif entre les gérants de fonds et des sociétés de toutes tailles résolues à agir pour diminuer leur impact négatif sur la biodiversité. Au bénéfice des investisseurs intéressés par cette thématique.

Alors que la COP 16 sur la biodiversité s’apprête à se tenir à Cali en Colombie, du 21 octobre au 1er novembre 2024, la prise de conscience s’accélère chez les investisseurs du monde entier. L’érosion de la biodiversité (l’ensemble des êtres vivants, les écosystèmes dans lesquels ils vivent et leurs interactions) fait en effet peser des menaces majeures pour l’avenir de la planète. Si aucune mesure significative n’est prise, la 6e extinction de masse en cours se traduirait ainsi par la disparition de près d’un million d’espèces animales et végétales dans les prochaines décennies, selon le rapport de l’IPBES en 2023. Créée en 2012 par 94 gouvernements, cette plateforme internationale d’experts, qui évalue l’état de la biodiversité mondiale, a répertorié cinq grandes pressions ou causes directes de la perte de biodiversité : la destruction des habitats et conversion des milieux (responsable de 30% de la perte de biodiversité), la surexploitation des ressources (23%), le dérèglement climatique (14%), la pollution des océans, eaux douces, sol et air (14%) et enfin la multiplication d’espèces exotiques envahissantes (11%). Le changement climatique ne constitue ainsi qu’un facteur de pression sur les cinq sur la biodiversité mais aucunement le seul, même s’il est de plus en plus prégnant.

Sur le plan économique, 55% du PIB mondial dépendrait de la biodiversité* et le coût estimé de l’effondrement de la nature et des écosystèmes serait estimé à 2.700 Mds$ par an (2,3% du PIB mondial) d’ici à 2030. Adopté lors de la COP 15, l’Accord de Kunming-Montréal, qui a identifié 23 cibles comme autant d’objectifs à prioriser d’ici 2030, prévoit la mobilisation de 200 Mds$ par an d’ici 2030. En parallèle, la loi sur la restauration de la nature, approuvée par les 27 Etats membres de l’Union européenne, vise à restaurer au moins 20% des zones terrestres et maritimes de l’UE d’ici 2030 et tous les écosystèmes qui en ont besoin d’ici 2050. Dans ce contexte, l’heure n’est plus au simple constat mais à l’action.

*Rapport Le Groupe de la Banque mondiale

Alix Faure X Laurent Dubois

L’enjeu du traitement de la donnée

Encouragée par les pouvoirs publics et aidée par une démocratisation récente du sujet, la thématique attire désormais les investisseurs et c’est dans ce contexte que plusieurs fonds dédiés ont vu le jour. Mais une stratégie d’investissement en faveur de la préservation de la biodiversité ne peut se réduire à exclure les secteurs d’activité les plus problématiques en matière de biodiversité. Pour flécher les flux financiers vers des entreprises du tissu local engagées sur une longue période, la dette privée apparaît comme une classe d’actifs particulièrement adaptée. La nature de ce mode de financement, alternatif à la dette bancaire ou aux émissions obligataires classiques, permet en effet d’établir un dialogue privilégié, fluide et nourri entre les responsables des fonds qui engagent l’argent des investisseurs et les entreprises. A cet égard, un financement en dette privée élargit l’éventail des sources de financement possibles du point de vue de l’emprunteur sur une thématique en forte croissance et de répondre aux entreprises qui ont besoin de se financer pour mettre à niveau leur outil de production. Ainsi, l’utilisation des clauses d’impact permettent de fixer au préalable les attentes du gérant de fonds et de fixer une trajectoire biodiversité mesurable et opposable aux entreprises.

En matière de biodiversité, le traitement de la donnée est un enjeu crucial afin de parvenir à mesurer correctement l’engagement de chaque entreprise dans la réduction de son impact négatif sur la biodiversité (économies d’eau, suppression des produits toxiques, terres agricoles régénérées, etc.), dans la mesure où les enjeux liés à l’érosion de la biodiversité sont protéiformes. A ce titre, l’évaluation des émetteurs devrait être facilitée avec l’entrée en vigueur, début 2024 pour les entreprises de plus de 500 salariés, de la directive CSRD, exigeant progressivement des grandes entreprises et des PME un reporting extra-financier amélioré et standardisé, avec un focus sur la biodiversité. Cet effort de transparence est nécessaire pour améliorer la confiance entre les parties. Le traitement de la « data » en matière de biodiversité a beau être complexe et encore balbutiant, les gestionnaires de fonds de dette privée sont dans les starting-blocks pour accompagner la transformation des entreprises les plus motivées et pas nécessairement concernées par la CSRD.