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Les Echos : « Ce nouveau fonds de dette prêt à sécuriser un milliard pour la défense »

Sienna IM, affilié à GBL, le holding des familles Frère et Desmarais, veut lever entre 500 millions et un milliard d’euros pour les sous-traitants de l’armement. La France Mutualiste et Matmut soutiennent l’initiative.

Le nouveau fonds Sienna Héphaïstos veut accorder plus d’une trentaine de crédits de 5 à 25 millions d’euros.

Les banques, et maintenant… les fonds de dette. Les créanciers se jettent tour à tour dans le grand bain du réarmement. Sienna IM, la société d’investissement de GBL, le holding des familles Frère et Desmarais, veut lever 500 millions à 1 milliard d’euros pour soutenir en crédit les PME et ETI de la défense.

« L’ère des dividendes de la paix est derrière nous. Le constat aujourd’hui est que la chaîne de sous-traitants a souffert de la faiblesse de la commande publique et, de là, de l’accès au financement, souligne Thibault de Saint Priest, secrétaire général de Sienna IM. En investissant en dette privée, nous pourrons apporter une aide parallèle à celle des banques pour la croissance organique, externe, le financement en fonds de roulement et les investissements. »

Soutiens de l’initiative

Le gérant finance déjà depuis une dizaine d’années des fournisseurs de l’automobile ou de l’aéronautique, comme Figeac Aero, etse dit prêt à accorder 30 à 50 lignes de crédit pour des tickets de 5 à 25 millions d’euros à la filière de la défense. « Les banques ne peuvent pas toujours intervenir en raison de plafonds d’exposition et n’ont pas toujours la réactivité nécessaire en cas de brusque changement de paradigme », ajoute Laurent Dubois, managing director chargé de la dette privée chez Sienna IM.

Plusieurs « parrains » soutiennent l’initiative, baptisée Sienna Héphaïstos (en référence au forgeron de l’Olympe). « La France Mutualiste (Groupe Malakoff Humanis), mutuelle d’épargne individuelle, sera parmi les premiers investisseurs, avec un soutien financier tangible en réponse au défi du financement de ces acteurs, dans une recherche de paix durable », déclarent les promoteurs du fonds.

Outre l’affilié du numéro deux de la protection sociale, Matmut est prêt à investir. « Les fonds de dette correspondent au besoin à moyen long terme de financement de cette industrie, indique Nicolas Gomart, directeur général de la Matmut. Nous sommes déjà investis dans la défense, et nous allons continuer à l’être et à nous renforcer. » Le Fonds européen d’investissement est aussi en phase d’analyse.

« Comme nous observons dans la vraie vie, c’est que les entreprises de la BITD [base industrielle et technologique de défense, NDLR] ne travaillent pas que pour la défense et sont engagées dans des processus ESG. Et en termes de « gouvernance », il n’y a pas d’industrie aussi contrôlée que la défense », répond Laurent Dubois. La stratégie du fonds même sera classée « article 8 » au sens du règlement européen SFDR sur la finance durable.

Les industriels de la défense au tour de table

Le fonds financera-t-il pour autant des armes « létales » ? Les discussions sont en cours avec les institutionnels sur le règlement du fonds. Toutefois, souligne le gérant, « les productions de nombreuses entreprises sont à la fois à usage civil ou militaire (‘dual use’) ». En clair, la finalité d’un matériel n’est pas aussi tranchée. Un drone peut avoir par exemple un usage civil ou pour la défense. Pour ses composants, une approche binaire est encore plus difficile à appliquer.

Quant à l’interprétation de certaines agences de notation sur le caractère potentiellement non « durable » des dettes qui seraient émises, « elles n’ont pas un magistère moral sur les entreprises européennes », dit-il.

L’agence Morningstar DBRS voit même dans le financement de la défense une véritable opportunité pour les fonds de crédit. « Il existe un déficit de financement pour les PME européennes du secteur de la défense. Elles ont des difficultés non seulement à accéder au financement, mais aussi à disposer de comptes bancaires », justifiait Arnaud Journois, vice president au sein de l’agence, à l’occasion de la publication d’une étude sur le sujet l’été dernier.

L’objectif de Sienna IM est de sceller un premier closing de 250 millions d’euros d’ici à juin, ce qui lui permettra d’investir, et d’atteindre son haut de fourchette en fin d’année ou début 2026.

Outre les discussions menées depuis le printemps 2024 avec ces investisseurs institutionnels, Thibault de Saint Priest et Laurent Dubois expliquent avoir mené un gros travail avec les grands donneurs d’ordre qui reçoivent les contrats de la Direction générale de l’armement (KNDS, Airbus, Safran, Naval, MBDA, Thales ou encore Nexter et Dassault) et les distribuent ensuite aux sous-traitants. Une enveloppe de 10 % du montant levé leur sera ouverte à la souscription aux côtés des assureurs.

Nouveaux modes de financement

Interrogé, Thales, qui dit avoir investi « de façon exceptionnelle » dans le premier fonds ACE Aéro Partenaires suite au Covid, et, de manière « très limitée aussi », dans le fonds Quantonation sur les technologies quantiques « d’intérêt stratégique pour le groupe », n’a pas vocation à intervenir « directement dans des fonds de dette tels que celui de Sienna IM ».

En revanche, le spécialiste des hautes technologies « salue l’émergence de nouveaux modes de financement pour la défense, qui peuvent contribuer à mobiliser des ressources cruciales pour les investissements dans ce secteur, tels que les fonds de dette ou les produits d’épargne, qu’ils soient nouveaux ou existants, avec un fléchage vers la défense ».

Anne Drif

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