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Les e-carburants : une solution pour décarboner le transport aérien ou maritime ?

Les transports représentent environ 20% des émissions mondiales de Gaz à Effet de Serre (GES). Sur cette part, 75% sont liés aux transports routiers, les 25% restant étant principalement dus aux transports aériens et maritimes, quasiment à parts égales. Si le transport routier peut être décarboné, au moins en partie, par les véhicules électriques à batterie ou à l’hydrogène, ce n’est pas le cas des transports aériens et maritimes qui nécessiteront pendant encore de nombreuses années, des carburants liquides. Pour ces derniers, une solution prometteuse, complémentaire des biocarburants, pourrait être les e-carburants (ou électro-carburants). Mais est-ce une réponse viable aux enjeux environnementaux de ces secteurs ? Comment produit-on ces e-carburants ? quels sont-ils ? Quelle différence avec les SAF (Substainable Aviation Fuels) ? Est-il pertinent d’investir dès à présent sur ce type de filière ? Ce sont les grandes questions que nous allons tenter d’aborder dans ce nouvel article.

1. Pourquoi l’aviation et le transport maritime sont-ils difficiles à décarboner ?

Les transports lourds, qu’ils soient aériens, maritimes et même routiers, nécessitent de transporter beaucoup d’énergie à bord du véhicule pour permettre l’autonomie et la puissance requises. Aujourd’hui l’avantage des carburants liquides d’origine fossile (gasoil, kérosène, fuel lourd…) en termes de densité énergétique est immense par rapport aux transports électrifiés. A titre d’exemple, la contenance énergétique d’un réservoir de camion semi-remorque de 550 litres (soit 400 kg de gasoil) est de 5 MWh environ. Pour transporter la même énergie sous forme de gaz naturel liquéfié (GNL), il faut un réservoir sensiblement plus volumineux de 850 litres (350 kg de GNL). Et la même énergie stockée dans des batteries Li-Ion nécessiterait 20 tonnes de batteries qui occuperaient un volume de 10 000 litres !

La densité énergétique actuelle des batteries Li-ion limite clairement son utilisation aux transports légers. L’hydrogène comprimé à 350 bars peut être une bonne solution technique pour les poids lourds, voire pour les navires (hors considérations de coût), mais le volume qu’il occupe l’interdit comme énergie de propulsion pour les avions (il faudrait tripler le volume des réservoirs actuels de kérosène !).

La décarbonation de l’aviation et des transports maritimes passe donc par d’autres solutions. Les biocarburants en sont une, mais pas à l’échelle du problème compte tenu des ressources insuffisantes en biomasse. Le recours à des e-carburants ouvre de nouvelles perspectives. Dans le cas du transport aérien, il s’agit de e-kérosène. Pour le transport maritime, les deux e-carburants envisagés sont le e-méthanol et le e-ammoniac.

 

2. Limite des biocarburants

En 2022, la production mondiale de biocarburants s’élevait à 4,3 exajoules (EJ), soit 1120 TWh, ce qui représente moins de 4 % de la demande mondiale de carburants pour le seul transport routier. La grande majorité, environ 90 %, de ces carburants est aujourd’hui produite à partir de canne à sucre, de maïs, d’huile de soja, d’huile de colza et d’huile de palme. Les 10 % restants sont produits à partir de déchets et de résidus tels que les huiles de cuisson usagées et les graisses animales.

D’après l’AIE (ref /1/), la demande de biocarburants devrait augmenter pour atteindre 5,3 EJ (1470 TWh), soit 6 % de la demande énergétique prévue pour le seul transport routier en 2030, sous l’effet des politiques et des projets supplémentaires prévus. Et cette demande continuera à croitre ensuite, poussée notamment par le transport aérien en fonction des politiques de décarbonation des pays. Rappelons qu’en Europe, avec la réglementation RefuelEU, les compagnies aériennes devront incorporer une quantité croissante de « carburants aériens durables » (les SAF ou « Sustainable Aviation Fuels ») à hauteur de 2% en 2025 puis 6 % à l’horizon 2030, 20 % en 2035 et progressivement jusqu’à 70 % en 2050.

Les ressources disponibles en biomasse pour fabriquer des biocarburants ne suffiront clairement pas.

En effet, les matières premières les plus facilement disponibles pour les biocarburants liquides comprennent les huiles végétales, les sucres, les amidons et les résidus de graisses et d’huiles. Ces matières premières sont déjà largement utilisées aujourd’hui et peuvent être traitées à l’aide de technologies existantes. Mais, les ressources de ce type sont relativement limitées, à la fois pour des raisons physiques, mais également pour des raisons de non-durabilité de certaines ressources de biomasse comme les cultures énergétiques ; en outre, les mêmes ressources de biomasse sont souvent en compétition pour différent usages énergétiques (concurrence entre biogaz et biocarburants par exemple). Dans ces conditions, d’après l’AIE (réf /1/), le potentiel pourrait au maximum être augmenté à hauteur de 9 EJ (2500 TWh) de biocarburants d’ici 2030, ce qui laisse peu de marge de manœuvre pour couvrir à la fois les besoins de décarbonation du transport routier et ceux du transport aérien et maritime. Rappelons que les besoins annuels en énergie de l’ensemble des transports sont actuellement de 120 EJ environ.

D’où la nécessité impérative de trouver d’autres solutions comme les e-carburants.

 

3. Qu’est-ce qu’un e-carburant ?

Les e-carburants sont des carburants synthétiques obtenus à partir d’hydrogène produit par électrolyse de l’eau. Ils peuvent être de différents types en fonction des autres éléments les constituant.a combinaison de l’hydrogène avec l’azote produit de l’ammoniac, un produit chimique gazeux qui est aujourd’hui principalement utilisé comme précurseur d’engrais, mais qui a également des applications possibles comme carburant. La combinaison de l’hydrogène avec le carbone permet la production d’une large gamme de produits synthétiques, des alcools aux éthers et des carburants hydrocarbonés (hydrocarbures) aux lubrifiants.

Les e-carburants peuvent être classés en fonction de leur facilité d’utilisation. Ceux qui sont prêts à l’emploi tels que le e-kérosène, le e-gasoil et l’e-essence sont compatibles avec les infrastructures de ravitaillement existantes et peuvent être mélangés avec des équivalents dérivés du pétrole, sous certaines contraintes. En revanche, les e-carburants alternatifs tels que l’e-ammoniac et l’e-méthanol nécessitent des investissements dans les infrastructures de distribution et les véhicules eux-mêmes (navires, poids lourds…) pour permettre leur utilisation dans le secteur des transports.

La production de e-carburants se fait en quatre étapes principales : la production d’hydrogène (par électrolyse de l’eau), la capture d’azote dans l’air (N₂) ou de dioxyde de carbone (CO₂), la conversion en nouvelles molécules de synthèse (par des procédés thermochimiques) et enfin la valorisation finale du produit brut.

Les principales briques de procédés pour la fabrication des e-carburants existent déjà à grande échelle, mais leur rendement doit encore être amélioré, et leur intégration dans une unité de production opérationnelle présente encore une faible maturité technologique. Les installations existantes ou en projet sont encore au stade de pilotes ou démonstrateurs industriels.

Globalement, le schéma de principe de la synthèse des e-carburants est le suivant :

Synthèse Des E Carburants

Il est important de noter que les e-carburants ne peuvent être considérés comme des carburants « bas-carbone » que si l’hydrogène est produit à l’aide d’électricité décarbonée (électricité renouvelable ou nucléaire) et que les apports de carbone éventuels (sous forme de CO2) sont obtenus avec de faibles émissions de GES sur le cycle de vie. C’est le cas quand le CO2 est capté directement dans l’air (Direct Air Capture – DAC) ou provient d’un procédé biologique ; on parle alors de « CO2 biogénique ». Celui-ci est considéré comme neutre pour le changement climatique car il est capté dans l’atmosphère par la croissance des plantes ou du bois et non pas extrait du sous-sol. Une variante consiste à utiliser du CO2 capté en sortie de process industriel (par exemple une cimenterie) ; celui-ci n’est pas biogénique, mais en fin de compte il est utilisé deux fois avant d’être relâché dans l’atmosphère, d’où une amélioration notable par rapport à l’usage de carburants fossiles. Dans ces cas où l’apport de CO2 pour synthétiser la molécule de e-carburant est d’origine fossile, la taxonomie européenne ne reconnait pas encore le statut vert du e-carburants. Mais cela n’empêche pas la réalisation de démonstrateurs industriels, notamment pour utiliser du CO2 fatal de secteurs très difficiles à décarboner comme le ciment ou l’acier, dans le cadre d’autorisations spécifiques.

In fine, la grande différence entre les e-carburants et les carburants fossiles réside dans leur cycle de vie : alors que les carburants fossiles libèrent du CO2 stocké sous terre, la synthèse des e-carburants à partir d’une énergie décarbonée nécessite soit d’extraire de l’azote de l’air, soit de capturer le CO2 pour le réutiliser. Ainsi, ils ne libèrent pas de nouvelles émissions dans l’atmosphère.

4. La disponibilité et les coûts des ressources pour produire les e-carburants à grande échelle

4.a. Une technologie gourmande en électricité et en infrastructures d’électrolyse

Les process de production d’e-carburant ont une efficacité énergétique relativement faible. Les besoins en énergie de la production de e-carburant sont schématisés ci-dessous :

Bilan énergetique De La Fabrication Des E Carburants

Différentes études ont été publiées pour évaluer la quantité d’électricité nécessaire à la production de e-carburants (voir références). Selon les sources, il faut entre 28 et 37 MWh d’électricité pour produire une tonne de e-kérosène, elle-même ayant un contenu énergétique de 12 MWh/tonne environ. Le rendement énergétique brut est donc compris entre 32 et 43%. Ce chiffre peut être amélioré d’une part en récupérant l’énergie perdue sous forme de chaleur (notamment dans l’étape de conversion thermochimique de l’hydrogène en e-fuel où cette chaleur perdue est à haute température, donc facilement valorisable), et d’autre part en améliorant les technologies d’électrolyseurs.

Mais même en ayant recours à des technologies plus performantes, la transformation de l’électricité bas-carbone en e-carburant restera coûteuse en énergie et devra être réservée aux secteurs du transport qui ne peuvent pas être directement électrifiés. C’est pour cela que le déploiement des e-carburants dans le scénario NetZero de l’AIE (réf /4/) se fait de manière très progressive dans deux secteurs prioritaires uniquement : d’une part le transport maritime, via l’e-ammoniac, en complémentarité avec les biocarburants et l’hydrogène pur ; d’autre part le transport aérien, via le e-kérosène lorsque les ressources manqueront pour répondre à la demande de biocarburants (voir figure ci-dessous). La logique est d’éviter les coûts de conversion d’un vecteur énergétique à un autre lorsque d’autres solutions sont possibles.

Consommations énergétiques Globales Et émissions De Ges Pour L’aviation Et Le Transport Maritime 2020 – 2050 – Scénario Netzero De L’aie

Notons enfin que le développement massif des e-carburants posera également le problème de la fabrication des électrolyseurs en grandes quantités. Selon l’IEA, pour atteindre une part de 10 % des e-carburants dans l’aviation et le transport maritime, cela nécessiterait plus de 400 GW de capacité d’électrolyseurs, soit l’équivalent de la taille totale du portefeuille mondial actuel de projets d’électrolyseurs d’ici 2030.

4.b. Où trouver le CO2 et à quel coût ?

Pour la fabrication des e-carburants contenant du carbone (e-kérosène, e-gasoil…), l’origine du CO2 utilisé a un impact fort sur les émissions de GES sur le cycle de vie du carburant, mais aussi sur son coût.

L’idéal est de récupérer le CO2 biogénique sur un procédé de fermentation, par exemple dans une unité de production de biométhane. Dans ce type d’installation, le dioxyde de carbone est disponible sous forme de flux pur à près de 100 % qui ne nécessite que séchage et compression avant de pouvoir être utilisé. Dans de telles conditions, le CO₂ peut être capturé à moindre coût, à environ 20-30 €/t de CO₂ (réf /1/). Les usines de e-carburants peuvent également s’approvisionner en CO₂ à partir d’usines de combustion de biomasse. Cependant, la concentration de CO₂ est beaucoup plus faible dans les gaz de combustion (10-20 vol%) par rapport aux procédés de fermentation, ce qui augmente les coûts de capture à environ 60-80 €/t de CO₂.

Lorsque des quantités importantes de CO2 fatal sont disponibles, il peut être intéressant de le capturer pour éviter de l’émettre dans l’atmosphère. Dans des installations industrielles où les gaz de combustion émis ont une concentration de 5 à 20%, les coûts de capture restent encore raisonnables. C’est le cas par exemple, à proximité de la zone industrielle et portuaire de Dunkerque, du projet Reuze, porté par Engie et Infinium, qui vise à transformer et valoriser 300 kt de CO2 par an à partir des émissions des installations de sidérurgie d’ArcelorMittal, présentes dans les environs immédiats, avec un objectif de production de plus de 100 kt de e-carburants par an à terme. Dans le cas de ce projet, on a sur un même périmètre géographique à la fois les conditions de production massive d’hydrogène vert et l’accès à de grandes quantités de CO2 fatal, dans une logique d’économie circulaire locale.

Enfin, si les sources ponctuelles biogéniques ou fatales ne sont pas disponibles pour une utilisation sur le site de production, les usines de e-carburants pourraient envisager de s’approvisionner en CO₂ dans l’atmosphère avec les technologies de capture directe (DAC). Mais les concentrations de CO2 dans l’air extérieur étant très faibles (250 à 400 ppm typiquement), les coûts de capture sont exorbitants (400-670 €/t de CO₂ d’après l’IEA).

L’accès au CO₂ est donc une contrainte importante pour les e-carburants à faibles émissions contenant du carbone (ce qui n’est pas le cas pour l’e-ammoniac). En outre, les meilleures ressources éoliennes et solaires nécessaires pour produire l’hydrogène vert ne sont pas toujours situées à proximité d’importantes ressources de CO2 biogénique ou fatal, ce qui peut imposer des contraintes supplémentaires à l’implantation de projets de production de e-carburants, s’il faut construire une infrastructure de transport de CO2 (par canalisation par exemple). C’est faisable techniquement, mais induit des coûts et des délais supplémentaires.

5. Le sujet des coûts de production des e-carburants

Compte tenu des caractéristiques techniques des installations de production de e-carburant (faibles rendements donc besoin de grandes quantités d’énergie décarbonée, électrolyseurs encore chers, capture du CO2 parfois coûteuse, nécessité dans certains cas d’infrastructures de transport de CO2, installations de production pilotes encore non optimisées…), les e-carburants à faibles émissions sont actuellement coûteux à produire. Mais compte tenu des nombreuses pistes de réduction des coûts que l’on peut envisager, couplé avec un certain effet volume lorsque leur production sera généralisée, l’écart de coût avec les carburants fossiles pourrait être réduit dès l’horizon 2030.

Il est difficile de faire des projections fiables compte tenu du nombre de paramètre en jeu : vitesse de baisse des coûts des électrolyseurs, coûts moyens de l’électricité verte dans les différentes régions du monde à l’horizon 2030, avancement des nouvelles technologies et des optimisations des process, …etc.

Selon l’AIE (réf /1/), d’ici la fin de la décennie, grâce aux réductions de coûts rendues possibles par la réalisation des projets d’électrolyseurs annoncés à l’échelle mondiale, l’exploitation de sites dotés de ressources renouvelables de haute qualité et une conception de projet optimisée, le coût du e-kérosène bas-carbone pourrait être réduit à environ € 45/ GJ / (€ 1 955 /t) à horizon 2030, ce qui lui permettrait de concurrencer les carburants d’aviation durables à base de biomasse. Celui de l’e-ammoniac à € 27/GJ (€ 500/t ), ce qui le rendrait comparable aux prix les plus élevés de l’ammoniac fossile sur la période 2010-2020 en tant que produit chimique, et ouvrirait la voie à son utilisation comme carburant bas-carbone pour le transport maritime. De plus, la production de e-kérosène pour l’aviation entraîne également la production d’une quantité non négligeable d’e-essence en tant que sous-produit, ce qui permet de réduire son coût net de production.

Avec un autre corps d’hypothèses, l’Académie des Technologies (voir ref /2/) parvient à des coûts de production à l’horizon 2030 en France entre 1800 et 2500 €/tonne de e-kérosène, avec un scénario central à 2034 €/tonne. Ce dernier repose sur des hypothèses très optimistes, à savoir : une électricité à 30 €/MWh, une utilisation massive des électrolyseurs haute température SOEC (technologie qui n’est pas encore commercialisée aujourd’hui), un coût de capture du CO2 de 150 €/tonne, et un rendement énergétique global de 55% (obtenu grâce au fort rendement d’électrolyse SOEC et une optimisation complète des process thermochimiques). La sensibilité du coût de production aux hypothèses faites est indiquée sur la figure ci-dessous :

Sensibilité Du Coût De Production Des E Saf Vis à Vis Des Différentes Composantes De Ce Coût, En Euro Par Tonne

Ces coûts de production sont à comparer aux prix du kérosène fossile à l’horizon 2030. Selon l’Académie des Technologies, une valeur raisonnable de ce prix serait de 1 200 €/t (soit deux fois le prix actuel du kérosène fossile).

Si on retient un coût de production optimiste à l’horizon 2030 de 2200 € / tonne de e-kérosène, ce sera près de deux fois le prix du kérosène fossile estimé à l’horizon 2030 et 4 fois le prix actuel.

Mais il est important de noter que cette augmentation du coût du kérosène, même si elle parait élevée, n’aura qu’un impact limité sur le prix des transports aériens. L’AIE estime qu’avec 10% d’incorporation de e-kérosène dans le carburant aérien à l’horizon 2030, avec un prix de 2200 €/tonne, l’augmentation du prix du billet ne sera que de 5%.

L’AIE a fait le même raisonnement et les mêmes projections avec l’e-ammoniac pour le transport maritime à l’horizon 2030. Ses conclusions sont que son coût de production sera beaucoup moins cher que le e-kérosène, mais en revanche, il faudra adapter les navires et les infrastructures portuaires pour permettre l’utilisation de ce nouveau carburant, d’où des coûts d’investissements élevés. Au total, le coût de possession d’un porte-conteneurs alimenté à 100 % à l’e-ammoniac ou au e-méthanol serait 75 % plus élevé que celui d’un porte-conteneurs conventionnel fonctionnant aux combustibles fossiles. Bien qu’il s’agisse d’une augmentation substantielle, le coût supplémentaire ne représenterait que 1 à 2 % de la valeur typique des biens transportés dans des conteneurs.

6.  Les e-carburants – de nombreux projets déjà lancés

Malgré les incertitudes et les difficultés mentionnées ci-dessus, les e-carburants apparaissent comme une solution indispensable pour atteindre les objectifs de l’accord de Paris. Sans leur contribution, on ne pourra pas décarboner suffisamment les transports maritimes et aériens.

C’est pour cela que dès à présent, plus de 200 projets démonstrateurs sont actuellement en cours dans le monde (la plupart sont encore à un stade peu avancé), soutenus par les volontés politiques des pays concernés, les subventions qui les accompagnent… et la crainte des sanctions pour les compagnies aériennes qui ne respecteraient par les quotas de SAF.  A titre d’exemple, on trouvera en annexe une liste non exhaustive de projets de production de e-carburant et de e-ammoniac recensés par EVOLEN (ref /3/).

7. Conclusions et perspectives

La décarbonation des transports lourds au cours de la prochaine décennie nécessitera un déploiement massif de carburants liquides durables, notamment pour l’aviation et le transport maritime. Ces besoins ne pourront être entièrement couverts par les biocarburants, car les ressources en biomasse seront largement insuffisantes.

Les carburants obtenus à partir d’hydrogène électrolytique, ou e-carburants, pourraient être une solution viable et, selon l’IEA, « se développer rapidement d’ici 2030, soutenus par une expansion massive d’électricité renouvelable moins chère et des réductions de coûts anticipées des électrolyseurs ».

A l’horizon 2030, le coût de ces e-carburants sera encore élevé, mais l’impact des surcoûts sur les prix des billets d’avion ou des marchandises transportées restera modéré.

Sous l’impulsion de l’évolution des règlementations sur le transport aérien, mais aussi d’une tendance sur le marché des nouveaux navires à envisager des carburants alternatifs, de nombreux acteurs se sont déjà mis en mouvement.

Le développement massif de ces nouvelles filières nécessitera des infrastructures importantes : des capacités de production d’électrolyseurs sensiblement augmentées, des navires adaptés, de nouvelles infrastructures de ravitaillement dans les ports…etc. Sans oublier des capacités massives de récupération de CO2 biogénique ou fatal. Ce CO2 ne sera plus un déchet, il deviendra une ressource précieuse pour la synthèse des e-carburants, notamment le e-kérosène.

Le chemin vers le développement massif des e-carburants est encore long et comporte de nombreuses zones d’ombre. Mais comme cette solution est cruciale dans la prochaine décennie pour l’atteinte des objectifs de l’Accord de Paris, il convient de la préparer dès maintenant. Par la R&D pour améliorer les technologies, par les pilotes et démonstrateurs pour tester les technologies et les modèles d’affaires, par la planification des infrastructures nécessaires, et par la généralisation de la récupération du CO2 biogénique émis par les installations de production de biométhane ou autres procédés biologiques.

Références :

/1/ : The role of e-fuels in decarbonizing Transport – International Energy Agency Report – 2024

/2/ : La décarbonation du secteur aérien par la production de carburants durables – Rapport de l’Académie des Technologies, février 2023.

/3/ : EVOLEN – Note de synthèse sur les électro-carburants – Groupe de travail e-fuels d’EVOLEN – Février 2023

/4/ : Net Zero by 2050 – A roadmap for the global energy sector – document AIE – rev 4, octobre 2021

Annexe : exemples de projets de production de e-carburants (source : Evolen).

Liste de projets représentatifs de production de e-carburants paraffiniques (non exhaustif) source EVOLEN réf /3/

Liste De Projets Représentatifs De Production De E Carburants Paraffiniques (non Exhaustif)
Liste De Projets Représentatifs De Production De E Ammoniac (non Exhaustif)

Auteurs :

  • L’équipe de Gestion Transition Energétique – Expertise Dette Privée, Sienna Investment Managers
  • Bernard Blez, Consultant Senior – ancien directeur R&D chez Engie