Malgré tout, un secteur public local solide et résilient
Alors que Fitch vient de dégrader la France et que les notations accordées par les autres agences sont suivies avec attention, il est remarquable que seules les collectivités notées comme l’Etat central l’ont suivi, respectant le plafond qu’il représente. Les autres notations n’ont pas évolué en sympathie. On observe donc une compression du champ de notation entre AA- et A-. C’est l’illustration d’une situation financière et institutionnelle solide.
La résilience du secteur public local – regroupant les communes et leurs intercommunalités, les départements, les régions, leurs satellites, les centres hospitaliers et même sous un certain angle les bailleurs sociaux – tient de plusieurs facteurs. En premier lieu, le cadre réglementaire dans lequel il évolue constitue un solide filet de protection. Leurs contraintes budgétaires (obligations d’équilibres, endettement restreint aux dépenses d’investissement, champs de compétences prédéfinis) les engagent sur un chemin d’exigence financière. Les contrôles dont elles sont l’objet, tant institutionnels (préfet, chambres régionales des comptes) que démocratiques (élections, assemblées délibérantes avec des oppositions, citoyens, médias), sont au moins aussi protecteurs que les assemblées générales les plus engagées. Leur personnel est le plus souvent bien formé, compétent, motivé et respectueux de l’intérêt général. Les élus sont impliqués. Enfin, le soutien indéfectible et constant de l’Etat central leur permet de faire face à leurs obligations.
La dette du secteur public local est dans une trajectoire vertueuse
En pratique, l’INSEE constate un peu moins de 300 milliards €1 de dépenses, et donc de recettes, des Administrations Publiques Locales (APUL) en 2022, soit 11,2% du PIB, stable par rapport à 2021. La croissance des recettes est principalement liée à leur lien à la TVA et au produit de la fiscalité locale, malgré des taux stables. Les achats courants de biens et services ont cru de 8,5%, reflétant l’inflation, et les dépenses de personnel de 5,6%, quand les subventions et prestations sociales sont restées stables. Les dépenses d’investissements sont, elles, en hausse, de 8,1% à 57 milliards €, augmentées de 10 milliards € d’aides à l’investissement.
Les collectivités n’hésitent pas à s’endetter à long terme pour financer leurs investissements et ont su profiter des taux bas pour renouveler leur dette, dont le coût est donc réduit. Ainsi, pour l’ensemble des APUL, comprenant la SGP et IDFMobilité, elle ne représente plus que 9,3 % du PIB.
Les missions des collectivités locales françaises diffèrent de celles de leurs voisines européennes. La France est un état décentralisé et non fédéral. L’Etat central a pour compétence notamment la santé, la sécurité, la justice et la défense. Pour l’éducation, si les programmes et le personnel relèvent de l’Etat central, le bâti scolaire est de la compétence des collectivités. Les transports en commun, publics ou scolaires, le logement social, la dépendance, les déchets, l’eau, les routes, les équipements publics locaux font partie des compétences cœurs des collectivités. C’est ainsi que l’essentiel de l’investissement public en France repose sur le secteur public local. Le chiffre d’affaires de la branche travaux publics est ainsi étroitement corrélé aux dépenses d’investissements des collectivités, par exemple.
Ces missions sont au cœur de la transition écologique. Le rapport Pisany-Ferry/ Mahfouz 2 pour France Stratégie publié fin mai 2023 relève par ailleurs l’étroit lien entre les compétences des collectivités et l’effort d’investissement nécessaire pour atteindre l’objectif 2030 de neutralité carbone. Le rapport estime ainsi les surcoûts d’investissement pour le secteur public : pour la rénovation des logements (+14 Mds €), des bâtiments publics (+10 Mds €), des infrastructures (+4 Mds €), l’électrification des véhicules (+1 Md €)… Soit au total 34 milliards € par an. Cela correspond à un effort de 50% supplémentaire demandé aux collectivités qu’elles ne pourront exclusivement autofinancer. Nous assisterons donc à une hausse naturelle et vertueuse de l’endettement du secteur public local.
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