L’Opinion : « Financement des industriels de la défense : ne pas sacrifier les PME-ETI » – par Thibault de Saint Priest
14 mars 2025 à 10:37
Si l’opinion identifie bien les grandes entreprises industrielles, l’indispensable tissu des sous-traitants ne fait pas l’objet des attentions qu’il mérite. Thibault de Saint Priest est secrétaire général de Sienna IM.
Si l’opinion identifie bien les grandes entreprises industrielles, l’indispensable tissu des sous-traitants ne fait pas l’objet des attentions qu’il mérite. Thibault de Saint Priest est secrétaire général de Sienna IM Alors que s’enchaînent à un rythme effréné les bouleversements géopolitiques les plus inattendus, le réveil est terrible même pour celles des nations qui, telle la France, ont maintenu vaille que vaille un outil indépendant de défense, et réalloué au cours des dernières années une part croissante de leur PIB à l’effort de défense.
L’heure est donc au réarmement de l’Europe et à la mobilisation de pas loin de 1000 milliards d’euros pour reconstituer un outil de défense à la hauteur des nouveaux défis. Les montants annoncés dans le cadre du plan Rearm Europe donnent le tournis.
Le temps nécessaire dans une Europe à 27 pour réunir cette somme, la répartir entre les Etats et des armées très disparates, fait que les actions engagées ne se traduiront que lentement dans les faits. Surtout, il convient de prêter attention à la façon dont ses ressources se diffuseront dans le tissu industriel européen. Par certains côtés, il s’agit de l’angle mort du débat budgétaire public , alors que c’est du maintien sur le territoire européen de l’industrie et de sa vitalité que dépendra le sort d’une défense européenne cohérente et agile.
Si l’opinion identifie bien les grandes entreprises industrielles, l’indispensable tissu des sous-traitants ne fait pas l’objet des attentions qu’il mérite. Ainsi, les 12 000 PME et ETI européennes de la base industrielle et technologie de la défense (BITD), dont un tiers sont basées en France, constituent un enjeu majeur de notre outil de sécurité et de souveraineté. Ces entreprises, qui ont souvent des activités importantes pour le civil, sont des forces vives dans les territoires, tant par le nombre et la qualité des emplois que par leur technicité.
Mobilisation nécessaire de tous les acteurs financiers
Pour faire face à l’augmentation de leur carnet de commandes, ces entreprises de la BITD doivent trouver de nouvelles sources de financement. Si beaucoup de freins réglementaires ont été levés, leurs spécificités ou leur structure bilancielle parfois fragile peuvent susciter des réserves, y compris d’un point de vue ESG.
L’augmentation inédite des capacités de production attendue des PME et ETI de la BITD passera par la mobilisation de tous les acteurs qui concourent à leur financement ! Les banques sont déjà très présentes, mais l’ampleur des besoins va encore davantage justifier la mobilisation de ressources complémentaires pour des montants importants. C’est ainsi que les prêteurs et investisseurs alternatifs sont appelés à jouer un rôle crucial auprès de ce tissu industriel vital et à intervenir en bonne intelligence aux côtés des banques classiques.
Les fonds de dettes privées, offrant un rendement toutefois moindre que le private equity, répondent bien aux besoins de financement en fonds de roulement et d’investissement sans modifier la structure du capital. Les investisseurs institutionnels, comme les assureurs et les caisses de retraite, accompagneront les gérants de fonds, tout comme les concepteurs et les distributeurs de produits d’épargne.
Pour déployer les financements innovants, point n’est besoin de modifications du cadre juridique ou politique. Les gérants d’actifs disposent sans attendre des outils pour déployer le capital que les investisseurs institutionnels seront prêts à leur confier. L’enjeu de la sécurité et de la paix en Europe passe par un effort massif en faveur des industriels de défense afin de faire en sorte que l’Europe, loin de toute démarche belliciste, soit entendue quand elle s’exprime et soit respectée par les nations qui prétendraient lui imposer sa conduite. Les PME- ETI de la BITD ne peuvent pas être l’angle mort du financement des industries de défense. Il ne tient qu’à nous, investisseurs institutionnels et gérants d’actifs, d’être ensemble à la hauteur de ce défi.