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Agefi: « Eviter une guerre est plus efficace en termes d’ESG que l’installation de km2 de panneaux photovoltaïques chinois »

Op-ed by Laurent Dubois, Managing Director of Private Debt at Sienna IM.

How many project leaders in the defence industry have been politely refused by potential funders on the grounds that « this project does not correspond to our ESG policy »? Do these same censors refuse to finance Canadairs and other water bombers, when they are major emitters of greenhouse gases and turn a blind eye to the ravages of future fires  in a world that makes them predictable and destructive?

L’industrie de l’armement européenne fait face à un paradoxe sidérant. Alors que les États déplorent
leur dépendance envers les fabricants d’armes étrangers et craignent de ne pas être prêts dans une
confrontation brutale de guerre à haute intensité, certains investisseurs institutionnels excluent tout
investissement dans ce secteur, sous couvert d’une interprétation réductrice de l’ESG, dans une
posture qui relève plus du dogmatisme aveugle que d’une réflexion pragmatique.

Passons l’argument simpliste de « ne pas contribuer à la guerre » pour avoir un examen plus nuancé
de la compatibilité entre la défense et les principes ESG :

E : une industrie sur une trajectoire contrainte et permettant d’éviter le pire
L’industrie de la défense est par nature à la recherche de l’efficience énergétique : la miniaturisation des systèmes d’armes, la recherche de l’efficacité opérationnelle, le recyclage de matériaux onéreux et métaux rares sont les fils conducteurs de cette industrie. Les exemples ne manquent pas : les radars dernière génération de Thalès sont alimentés par des panneaux solaires pour pouvoir fonctionner loin de tout réseau électrique, ou Naval Group qui a lancé un programme de déconstruction et recyclage de sous-marins nucléaires avec déjà 3 sous-marins retraités.

Si l’on considère qu’une industrie de la défense forte permet d’éviter les guerres, donc les conséquences dévastatrices pour l’homme et la planète, que dire des 175m de tonnes de CO2 émises par la guerre en Ukraine qui auraient pu être évitées (soit les émissions annuelles de la Belgique), ou des 30m de tonnes de CO2 (soit les émissions de la Nouvelle Zélande) correspondant à la reconstruction de Gaza. Eviter une guerre est bien plus efficace que l’installation de km2 de panneaux photovoltaïques chinois que tout investisseur finance avec bonne conscience.

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S : des emplois et une fondation de bien-être social

Que dire d’un secteur qui emploie 200 000 personnes (presqu’autant que les constructeurs automobiles), avec des postes qualifiés, dans l’ingénierie, la cybersécurité et la R&D, et qui a d’ailleurs donné naissance aux technologies avec des applications variées que nous utilisons au quotidien : GPS, Internet, micro-ondes, GoreTex, kevlar, mais aussi les boîtes de conserve, sans parler des progrès de la médecine d’urgence.

Enfin, « si vis pacem, para bellum » : une défense solide permet d’assurer la souveraineté des États et la préservation des libertés fondamentales, qui sont des composantes essentielles du bien-être social et en lien direct avec l’Objectif du Développement Durable n° 16 de l’ONU : Paix, Justice et Institutions Efficaces ».

G : une gouvernance républicaine

Peu de secteurs observent une gouvernance aussi normée et surveillée que la défense : toute la filière est encadrée par les ministères (Premier ministre, Intérieur, Défense, Intérieur et Affaires étrangères), par le Parlement à travers le vote des budgets, la commission de la Défense et des forces armées, toutes commissions ad hoc, la cour des comptes… Au niveau européen, le cadre réglementaire est tout aussi strict.

Comment investir dans notre nouveau monde ?

« L’examen clinique » du sujet permet d’affirmer qu’il n’existe pas d’incompatibilité entre une politique ESG exigeante et l’investissement dans l’industrie de défense.

Parlement2

Nos pays ont connu les « dividendes de la paix », qui étaient surtout les fruits des investissements
colossaux des Etats Unis. Ces dividendes, ô combien ESG, se poursuivront si nous investissons de
façon responsable dans la souveraineté européenne et ne trouvons pas de fausses mauvaises
raisons. François Mitterrand constatait que « le pacifisme est à l’Ouest et les euromissiles sont à
l’Est ». 40 ans plus tard, notre monde voit les autocrates expansionnistes proliférer et s’armer alors
que la mauvaise interprétation de critères d’investissement entrave nos démocraties européennes.

Sans aucun doute, l’investissement dans la défense est ESG-compatible et doit être considéré
comme un levier de résilience et d’autonomie. La paix se préserve par la dissuasion et la
préparation, non par l’angélisme.